Lettre à Rémy de Haenen
Cher Rémy,
Je garde dans mon cœur le souvenir de notre première rencontre. Nous
étions au « Rivage » à St. Barthélemy. Vous, seul, à votre table et
Jean Luc et moi, pas très loin.
Je suis venue vers vous et je n’ai plus eu envie de vous quitter… Vous
étiez si lumineux. Cette présence, ce regard si vivant et vibrant, ce
charisme… Ce n’était pas votre enveloppe physique qui me l’offrait…
C’était vous, votre âme, votre essence profonde.
Notre dernière rencontre, c’était il y a quelques mois. Vous ne parliez
plus, vous ne pouviez plus non plus vous exprimer par écrit, vous étiez
fragile physiquement et pourtant… par moments, ( particulièrement quand
votre petit fils Tristan vous racontait des blagues, quand Alexandra
apparaissait ou que la conversation tournait autour de l'avenir de
l'île, ect... ) par moments donc, dans votre regard, je trouvais encore
cette flamme, cette densité de vie qui me touchait tant chez vous.
Peu d’êtres ont cette présence réelle qui dépasse les apparences . Peu
d’êtres ont cette capacité d’imposer par leur seule présence le
respect, l’admiration, l’amour, et la crainte aussi parfois...
On a tout dit de vous. Tout et n’importe quoi.
Moi, je garde dans mon cœur et, à tout jamais, le souvenir d’un Seigneur de la vie, d’un Prince.
St Barth vous a beaucoup donné. Vous lui avez permis de devenir ce
qu’elle est aujourd’hui car si vous n’aviez pas eu l'idée folle de
poser votre avion sur cette île, si vous n’aviez pas perçu tout son
potentiel, si vous n’aviez été ambitieux et fou pour cette île… qui
sait ce qu’elle serait aujourd’hui.
Rémy, vous avez été un magnifique initiateur et visionnaire. Par la
suite, d'autres ont mené le projet jusqu'au bout... Et je sais que vous
en étiez fier et heureux.
Votre désir était de terminer cette page de vie sur l'île. Tristan,
Bruno, René ont pu vous aider à le vivre... Ces derniers mois on ne
pouvait pas croiser souvent votre longue et élégante silhouette. Vous
étiez fatigué...
Aujourd’hui ce corps n’entrave plus vos mouvements.
Aujourd’hui vous êtes à nouveau libre.
Si nous pouvions vous entendre, je pense, j’ai la prétention de croire que vous nous diriez ceci :
« Je ne suis plus là. J’ai choisi de partir, J’ai choisi de retrouver ma liberté chérie.
J’ai encore tellement de choses à faire et à voir. Je suis tellement vivant. Ce corps était devenu trop lourd, trop entravant.
Ne pleurez pas en pensant à moi, soyez reconnaissants pour les belles années partagées.
Je vous ai donné mon amitié, je vous ai donné mon amour, parfois mes colères et ma dureté.
Mais je vous ai toujours donné le meilleur de moi.
Quant à vous… Pouvez vous seulement deviner le bonheur que vous m’avez apporté ?
Je vous remercie pour l’amour , l’amitié, la fidélité que chacun m’a démontré,
Maintenant, il est temps pour vous et pour moi de voyager seul.
Pour un court instant, vous pouvez avoir de la peine.
La confiance dans la vie vous apportera le réconfort.
Moi, c’est ce qui m’a toujours sauvé : la confiance en la vie !!!
Nous serons séparés pour quelque temps.
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur.
Je ne suis pas loin et la vie continue, peu importe nos croyances.
La réalité absolue c’est que la vie continue au delà de ce corps.
Si vous avez besoin, appelez – moi et je viendrai,
Même si vous ne pouvez pas me voir et me toucher,
Je serai là et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement la douceur de ma présence et de l’amour que j’apporterai.
Et quand, un jour, il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir.
Absent de mon corps, présent avec vous et dans l’éternité de la vie
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer, je ne suis pas là, je ne dors pas.
Je suis les mille vents qui soufflent.
Je suis le scintillement des vagues.
Je suis la lumière qui traverse la baie de St. Jean.
Je suis la pluie qui reverdit l’île
Je suis l’éveil des oiseaux dans le calme du matin
Je suis l’étoile dans la nuit.
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer, je ne suis pas là.
Je ne suis pas mort, seul mon corps l’est.
Moi, j’ai retrouvé mes ailes et ma liberté.
Ma reconnaissance pour vous est infinie et éternelle.
N’allez pas sur ma tombe pour pleurer, je ne suis pas là.
Je suis le ciel, l’avion qui passe, les rires et la force de vie.
Le gentleman des airs s’en est allé, il m’a bien accompagné.
Aujourd’hui, je suis plus efficace et présent que jamais.
Recevez mon amour, ma gratitude et ma joie de vivre.
Au revoir Rémy et à bientôt !
Une partie de ce texte est inspirée d'une prière amerindienne.