"L'amour suppose un minimum d'engagement, un minimum de fidélité; sinon c'est n'importe quoi?!"
"C'est vrai! D'autant plus que certaines générations ont bien mal compris et intégré ce qu'amour libre veut dire.
Je vais te poser une question: imagines qu'aujourd'hui on te demande de t'engager à vivre avec quelqu'un pour toujours, à lui être fidèle jusqu'à ce que la mort vous sépare. En toute honnêteté - réfléchis bien - peux tu sincèrement à l'heure d'aujourd'hui, en fonction de qui tu es en cet instant, engager ce que tu seras dans 5 ans, dans 10 ans, dans 20 ans? Si tu es sûr du choix que tu fais au présent, peux tu savoir le choix que tu feras demain, après demain et le jour d'après?"
"Veux-tu dire qu'aucune promesse n'est possible?"
"Je veux dire que toute promesse contient, en elle-même, le germe de la trahison. Il n'y a trahison qu'en rapport à une promesse et, par voie de conséquence, il ne peut y avoir de trahison s'il n'y a pas de promesse. Il n'y a pas de trahison quand chacun reste libre. Quel besoin, bon sang, l'homme a t il d'enfermer lui-même sa liberté dans un engagement qu'il ne tiendra pas ou contre lequel il devra lutter ou avec lequel il devra se résoudre à de petits arrangements! Et quel besoin a t il de vouloir enfermer la liberté de l'autre?"
"Pourtant, il faut bien s'engager?"
"Oui, mais seulement à la totalité de ce qui est possible."
"Qu'est ce que la totalité de ce qui est possible?"
"Imagines ce que tu pourrais dire, toi, à l'être que tu aimes, au moment de lui passer la bague au doigt, qui soit ton engagement le plus sincère, exclusif de toute promesse qui t'enfermerait ou qui l'enfermerait."
"Comme tu y vas!? Je ne sais pas moi, je n'y ai jamais pensé; je n'ai jamais vraiment remis en question les rituels du mariage même si, je les ai trouvés un peu désuets, et en plus, jusqu'à il y a quelques instants, je n'avais jamais remis en question les promesses réciproques des futurs époux."
"Veux tu entendre ce que je dirais dans une telle occasion et ce que l'être aimé me répondrait?"
"Volontiers!"
Je dirais : " Voici qu'aujourd'hui, je te choisis pour faire avec toi l'expérienec de la vie commune; et pour apprendre, à travers elle, à aimer plus et mieux."
L'être aimé répliquerait : "Je te choisis pour faire avec toi l'expérience de la vie commune; et pour apprendre, à travers elle, à aimer plus et mieux."
Je dirais encore:" je ne te promets rien et je ne te demande pas que tu me promettes quoique ce soit; parce que je t'aime, je ne veux en aucune manière t'enfermer dans une cage dont les barreaux seraient les serments que tu pourrais me faire."
On me répondrait:" t'aimer signifie vouloir ton bonheur même si ce devait être sans moi, pourvu que tu te réalises et que tu t'épanouisses."
J'ajouterais: " Je ne sais pas quelle durée aura notre communauté de vie, mais j'espère, de tout mon coeur, que je saurai créer les conditions pour que, chaque jour, tu me choisisses à nouveau."
L'être aimé me dirait: " C'est également mon voeu le plus cher que tu renouvèles longtemps ce choix que tu fais aujourd'hui; à aucun prix, je ne voudrais que tu fasses ce choix une fois pour toutes; à aucun prix, je ne voudrais que tu te sentes, un jour, obligé de me choisir, parce que tu l'aurais promis. Je veux que tu choisisses en toute liberté, même si cela comporte le risque que tu ne me choisisses pas"
Je répliquerais : "j'entends aussi que tu me choisisses en toute liberté, ce qui rendra ton choix d'autant plus précieux; et s'il advient qu'un jour tu ne me choisisses plus et réciproquement c'est que nous aurons, l'un et l'autre, fini d'évoluer ensemble. C'est qu'il sera temps de tourner la page pour en écrire d'autres."
On me dirait encore : " quoiqu'il advienne, les pages que nous aurons écrites ensemble sur ce livre que nous inaugurons aujourd'hui seront celles d'une expérience unique et quel que soit le choix que nous ferons demain, après-demain, saches que je t'aimerai toujours car c'est un amour d'éternité qui nous relie l'un à l'autre."
J'ajouterais encore : " Mon amour est aussi un amour d'éternité, un amour qui ne peut se retirer parcequ'il n'est subordonné à aucune condition, un amour qui ne peut diminuer parce que sa mesure ne dépend pas d'un quelconque jugement, un amour qui ne peut s'éteindre car il est au delà tu temps et de la séparation physique, un amour qui ne peut être déçu parce qu'il n'attend rien."
L'être aimé répliquerait :" Car de même que je ne te demande pas de faire mon bonheur puisque je suis seul à pouvoir le faire, tu ne me demandes pas de faire le tien qui ne dépend ni de moi ni de personne au monde".
Je terminerais en disant : " Alors, si nous n'avons pas l'illusion de faire le bonheur l'un de l'autre et si, aujourd'hui, chacun de nous est le bâtisseur de son propre bonheur, nous pouvons nous prendre pour mari et femme."
Et c'est l'être aimé qui conclurait par ces mots : " Qu'il en soit ainsi et que chaque jour de notre vie soit inauguré par une immense gratitude pour ce qui est déjà accompli."
Silence
Tu ne dis rien.
Je suis ému, profondément ému. Je ressens tellement d'amour dans ce que tu as dit là.
Tu es touché parceque tu reconnais le véritable amour; tu te souviens de ce qu'il est vraiment et que tu as expérimenté avant qu'il ne soit transformé en quelque chose qui y ressemblait mais qui n'en était plus.
C'est vrai! J'ai beaucoup plus l'impression de me souvenir de quelque chose que j'avais oublié que de découvrir quelque chose de nouveau.
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